Est-il un guépard ? ( métaphore du surdoué)

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Comme le terme « doué » et la capacité intellectuelle inhabituelle à laquelle ce terme se réfère devient de plus en plus politiquement incorrect, l’institution et le système éducatif changent de terminologie et de focale…

La douance, capacité globale d’intégrer divers modes, peut ainsi être rejetée, et remplacée par une fragmentation de « talents » qui semblent moins menaçants et théoriquement plus facile à gérer pour les écoles. Au lieu d’une réalité de développement interne qui affecte chaque aspect de la vie d’un enfant, « l’aptitude intellectuelle» est de plus en plus perçue comme synonyme de ( et limitée à ) la réussite scolaire.

L’enfant qui réussit bien à l’école, obtient de bonnes notes, remporte des prix, et «exécute» au-delà des normes attendues à son âge, est considéré comme doué. L’enfant moyen, ou qui ne « réussit » pas, quelles que soient ses capacités intellectuelles innées ou son niveau de développement, est bien moins susceptible d’être identifié, et moins susceptible d’être reconnu.

 

La métaphore du guépard peut nous aider à envisager le problème en vue d’y remédier efficacement.

Le guépard est l’animal le plus rapide sur Terre. Quand nous pensons aux guépards nous pensons sans doute d’abord à leur vitesse. Spectaculaire. Impressionnante. Unique. Et cela rend l’identification très facile. Comme les guépards sont les seuls animaux qui courent à 110 km/h, si vous chronométrez un animal en course à 110 km/h,

C’EST UN GUÉPARD !

Mais les guépards ne courent pas tout le temps. En fait, ils ne ont en mesure de maintenir cette vitesse de pointe que pour un temps limité, après quoi ils ont besoin d’une très longue période de repos.

Ce n’est pas si difficile d’identifier un guépard quand il ne court pas, pourvu que nous sachions ses autres caractéristiques. Il est de couleur dorée avec des taches noires, comme un léopard, mais il a aussi des spécifiques « Traces de larmes » noires sous les yeux. Sa tête est petite, son corps mince, ses jambes anormalement longues – toutes les caractéristiques physiques essentielles à un coureur. Et le guépard est le seul membre de la famille des félins qui a des griffes non rétractables. Les autres félins ont la possibilité de rétracter leurs griffes pour les garder bien pointues, comme des couteaux à découper maintenus dans une gaine – les griffes du guépard ne sont pas conçues pour lacérer, mais pour la traction. Il s’agit d’un animal biologiquement conçu pour courir.

Sa nourriture principale est l’antilope, elle-même prodigieuse coureuse. L’antilope n’est pas volumineuse et lourde, de sorte que le guépard n’a pas besoin d’envergure ou de force pour la maitriser. Seulement de rapidité. Sur les vastes plaines de son habitat naturel, le guépard est capable de capturer une antilope en courant simplement à bas régime.

Si la ligne de son corps répond à des contraintes utilitaires, sa conception entraine également une contrainte interne puissante. Le guépard a physiologiquement besoin de courir !

En dépit de ce besoin, et bien qu’il soit conçu pour courir, certaines conditions sont toutefois nécessaires au guépard pour atteindre ses fameux 110 km/h de vitesse de pointe.

 

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Si un guépard est confiné dans une cage de 3x4m, il aura beau tourner ou se jeter de rage contre les barreaux, il ne courra pas à 110 km/h..

EST-CE CEPENDANT UN GUÉPARD ?

Si un guépard n’a que des lapins qui courent à 30km/h à poursuivre pour se nourrir, alors il ne courra pas alors à 110km/h pour chasser. S’il le faisait, il raterait sa proie en la doublant trop vite et mourrait de faim ! Bien qu’il puisse courir aux fins d’exercice, de loisirs, d’accomplissement de son instinct ; lorsqu’on lui donne seulement des lapins comme nourriture, le guépard courra uniquement assez vite pour attraper un lapin.

EST-CE CEPENDANT UN GUÉPARD ?

Si un guépard est nourri comme au Zoo, il est possible qu’il ne courre plus du tout.

EST-CE CEPENDANT UN GUÉPARD ?

Si un guépard est malade ou a des pattes cassées, il ne pourra même pas marcher.

EST-CE CEPENDANT UN GUÉPARD ?

Et enfin, si le guépard n’a que six semaines, il ne peut pas encore courir à 110km/h..

Est-il donc, UNIQUEMENT, UN GUÉPARD POTENTIEL?

 

Un système scolaire qui définit la douance (ou le talent) par le comportement, la réussite et la performance est aussi peu apte à reconnaître ses étudiants très doués afin de leur donner ce dont ils ont besoin qu’un zoo le serait à reconnaître et anticiper le devenir de ses guépards en ne prenant en compte que la vitesse.

Quand un guépard court à 110 km/h , ce n’est pas une « réalisation » particulière de ce guépard. Bien qu’il accomplisse ce qu’aucun autre félin ne peut faire, il ne se comporte juste normalement pour un guépard.

En regard des lions, des tigres, des léopards – ou d’autres parmi les grands félins – les attributs biologiques du guépard semblent être des déformations. Loin d’être le «meilleur des félins », le guépard ressemble juste à peine à un un chat en comparaison. Il n’est pas assez lourd pour faire tomber un gnou ; ses griffes non rétractables ne peuvent pas rester suffisamment accérées pour arracher le cuir épais du gnou. Compte tenu de la tendance du guépard à l’activité, les félins, qui passent le plus clair de leur temps à dormir au soleil, pourrait bien l’étiqueter hyperactif.

Tout comme les guépards, les enfants surdoués peuvent être faciles à identifier. Si un enfant apprend seul le grec à l’âge de cinq ans, lit comme en huitième année (CM1, CM2) à l’âge de six, fait de l’algèbre de niveau 6ème, nous pouvons en déduire sans risque que l’enfant est un enfant surdoué.

Bien que le monde puisse considérer ces activités comme des «exploits», ce n’est pas un enfant «extraordinaire», juste un enfant qui fonctionne normalement selon sa structure biologique personnelle, ses capacités mentales innées. Cet enfant a eu de l’espace pour courir et quelque chose à poursuivre. Il est en bonne santé et en forme et n’a pas eu ses capacités amoindries. Il ne faut pas de grandes connaissances sur les caractéristiques des enfants particulièrement doués pour reconnaître cet enfant.

Toutefois, les écoles sont pour des enfants extraordinairement intelligents ce que les zoos sont aux guépards. De nombreuses école leur fournissent une cage de 3x4m, ce qui ne ne donne pas à leur cerveau hors normes la place pour se développer pleinement. Beaucoup d’enfants surdoués sont alors assis dans la classe, comme des félins assis dans leurs cages, regard éteint et silencieux. Certains, incapables de résister à leur besoin vital, même s’ils ne peuvent pas le réaliser,marchent de long en large, grondent et attaquent leurs détenteurs, ou se jettent contre les barreaux jusqu’à ce qu’ils se blessent.

 

Même les écoles indépendantes et éclairées ne sont susceptibles que de créer un environnement qui, comme les enclos pour guépard dans les zoos d’avant-garde, peut juste permettre des courses modérées, mais pas la place pour le guépard en pleine croissance afin qu’il développe ses muscles et l’endurance nécessaires pour devenir un coureur de 110km/h.

Les enfants en cage, ou en enclos, peu importe leurs capacités intellectuelles, sont peu susceptibles d’apparaître très doués; empêchés d’exercer leur esprit depuis trop longtemps, ces enfants pourraient ne jamais atteindre le niveau de fonctionnement mental pour lequel ils ont été conçus.

Un zoo, même s’il offre beaucoup de place à ses guépards, ne les nourrit pas d’antilopes, ce qui les mettrait au défi, soit de courir à fond, soit d’avoir faim.. De même, les écoles fournissent trop peu de défis pour le développement d’un esprit hors-normes. Même un programme conçu pour les doués ne peut fournir que l’équivalent intellectuel de lapins courant à 30km/h (alors que des enfants soupçonnés d’intelligence extrême sont parfois étiquetés « sous-performants » parce qu’ils ne se donnent pas à fond pour attraper ces lapins!) Sans un programme spécial, les écoles offrent l’équivalent académique d’une nourriture de zoo, de la nourriture qui ne requiert aucun effort que ce soit. Certains enfants refusent de s’intéresser à cette nourriture morte.

Pour développer non seulement sa capacité physique, mais aussi sa stratégie pour attraper des antilopes dans la nature, un guépard doit avoir des antilopes à pourchasser, un espace pour les chasser et un autre guépard comme modèle pour lui montrer comment faire. Sans l’instruction et la pratique, il ne risque pas d’être capable d’apprendre les techniques essentielles de survie.

Un documentaire animalier récent sur des guépards dans le territoire des lions a montré un fait curieux de la vie sauvage. Les lions tuent les bébés guépards. Ils ne les mangent pas, ils les tuent tout simplement. En fait, ils semblent faire de gros efforts pour les trouver et les tuer ( bien que le guépard ne peut pas menacer éventuellement la survie des lions ). Est-ce méchanceté ?

 

Dans certaines écoles les enfants brillants sont invités à faire ce qu’ils n’ont jamais été conçus pour faire ( comme des guépards à qui on demanderait de déchirer un gnou avec leurs griffes – après tout, les lions peuvent le faire ! ), tandis que les attributs naturels de leur extraordinaire capacité intellectuelle – l’intensité, la passion, un fort dynamisme, l’indépendance, le raisonnement logique, la curiosité, l’humour, des intérêts inhabituels et l’attrirance pour la vérité et l’exactitude – sont considérés comme des problèmes qui nécessitent d’être réglés.

Les enfants brillants peuvent se sentir cernés par les lions qui se moquentde leurs différences, ou les évitent, qui peuvent même leurs briser les jambes ou les droguer afin qu’ils se déplacent plus lentement, en rythme avec les lions. Faut-il s’étonner qu’ils tentent de s’échapper; mettent un costume de lion pour ne pas être remarqués, résistent ?

Cette métaphore, comme toute métaphore, peut éventuellement s’écrouler. Les enfants surdoués n’ont pas de marques sur le corps et pas de griffes rétractiles, ce qui permettrait de les identifier s’ils ne font pas de course. En outre, la capacité du guépard à courir 110 km/h est le seul trait facilement mesurable. Les enfants surdoués sont très différentes les uns des autres, donc il n’y a pas qu’une seule aptitude à chercher, de plus, les plus grandes capacités de l’enfant pourraient être situées hors de la définition universitaire du succès et donc passer tout à fait inaperçues. Bien que ce fait puisse épargner à des enfants d’être tués sans motif par des lions en maraude, il les empêche aussi d »être reconnus pour ce qu’ils sont – des enfants avec des différences profondes et puissantes innées aussi fortes que les différences entre les guépards et les autres grands félins.

Qu’ils ne puissent pas être immédiatement reconnaissables ne signifie pas qu’il n’y a aucun moyen de les identifier. Cela signifie que davantage de temps et d’efforts sont nécessaires pour y parvenir. Les éducateurs peuvent apprendre les caractéristiques d’une intelligence exceptionnelle et observer d’assez près pour reconnaître ces attributs dans chaque enfant. Ils peuvent reconnaître non seulement que les enfants surdoués peuvent faire beaucoup de choses que d’autres enfants ne peuvent pas faire, mais aussi qu’il ya des tâches que les autres enfants peuvent faire et que les surdoués ne peuvent pas.

 

Chaque organisme possède un instinct pour satisfaire son dessein biologique. Il en va de même pour les enfants inhabituellement brillants. De temps en temps, les barreaux doivent être supprimés, les enclos élargis. La nourriture de zoo, aussi simple et bon marché soit-elle, doit céder le pas, au moins une partie du temps, à une dynamique, stimulante proie intellectuelle.

La biodiversité est un principe fondamental de la vie sur notre planète. Elle permet à la vie de s’adapter au changement. Dans notre culture, les enfants surdoués, comme le guépard, sont en danger. Comme les guépards, ils sont ici pour une raison : ils occupent un créneau particulier dans la conception de la vie. Les jardins zoologiques, quelles que soient leurs limites, peuvent être indispensables à la survie des guépards, beaucoup font de leur mieux pour offrir à leurs captifs de ce dont ils auront éventuellement besoin pour survivre dans la nature. Les écoles peuvent faire la même chose pour leurs enfants très doués.

Si nous ne nous engageons pas à sauver ces enfants, nous allons continuer à les perdre, et avec eux, tout l’avantage spécifique que leur existence pourrait fournir pour l’espèce humaine dont ils sont une partie essentielle.

 

Auteur : Stephanie S. Tolan

De diffusion libre, ce texte de 1996 signé de  Stephanie S. TolanIs It a Cheetah?  est devenu une référence très populaire dans les pays anglo-saxons sur le thème des surdoués. Il aurait été traduit en 40 langues.

Illustration : Flickr / Stéphan Coquelet / Cheetah king

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