Enfant, Clémentine Levy voulait être magicienne, maîtresse, avocate, comédienne.
One Minute Project qui a lancé en partenariat avec Hello bank! un cycle d’interviews de femmes passionnées qui ne font rien comme tout le monde (des multipotentielles qui mènent de front leur vie perso, plusieurs carrières professionnelles et « slashent » entre des domaines radicalement différents), l’a interviewée.
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Interview réalisé par One Minute Project
Bonjour Clémentine, où as tu passé ton enfance ?
Je suis née à Caen en Normandie. Mais depuis mes 5 ans, je savais que ma vie ne serait pas là bas : je n’arrêtais pas de tanner mes parents à ce sujet d’ailleurs ! J’ai fait une licence de médiation culturelle et quand j’ai eu 20 ans, je suis montée à Paris pour terminer mon master de communication et journaliste.
Comment s’est passée l’arrivée à Paris ?
J’ai fait un maximum de stages dans les rédactions, pour apprendre bien sûr, et aussi parce que j’avais besoin de payer mon loyer… Ma première rencontre décisive a été avec Anne-Laure Quilleret, rédactrice en chef mode à l’Express Style. Comme elle savait que la mode me fascinait, elle me donnait des invitations pour des défilés. J’y ai rencontré une photographe de Street Style qui m’a conseillée d’aller voir des agences de mannequins. Il faut savoir que je suis un peu petite ; mais elle m’a dit qu’il y avait de la place pour tout le monde ! D’autant plus que c’était le début de l’époque où la mode se tournait vers les filles plus nature, les “comme dans la vie.“
Grâce à tout cela, j’ai pu travailler avec des créateurs que j’idolâtre depuis des années comme Givenchy, Castelbajac, Hermès…
Est-ce qu’il y a des moments où tu disais que tu n’avais pas les épaules pour ça ?
Oui, très souvent ! Je me suis souvent dit “ Qu’est-ce que tu fous là ? “, dans une robe grandiose , à côté de filles sublimes et beaucoup plus grandes que moi. Mais je faisais “comme si”. J’entrais dans le jeu, je montais sur scène, avec mes talons de 15 cm. Je me disais GO ! Et tout se passait bien. D’ailleurs, quand j’ai commencé à mixer, ça m’a fait le même effet.
Comment es tu arrivée à ce deuxième métier de DJ ?
Je commençais à tourner en rond dans le mannequinat et j’avais envie d’apprendre autre chose. C’est mon copain, qui est dans la musique, et qui commençait à mixer dans des clubs, qui m’a initiée. Les premières fois où j’ai mixé, j’ai eu très peur d’être jugée. Que les gens pensent : “C’est une petite nana, on l’a prise juste parce qu’elle est jolie et qu’elle a fait de la télé, mais elle ne sait pas mixer.” Et puis au bout d’une demi heure, quand j’ai réussi à montrer ce dont j’étais capable, je me suis sentie bien. Mais c’est vrai que les 30 premières minutes, c’est un peu mon cauchemar habituel. Mais c’est peut-être aussi ce qui me pousse à me dépasser.
A te prouver quelque chose ?
Oui , à me prouver que si je suis là, c’est parce que j’en ai les capacités. Que oui, je suis capable de calibrer une machine à café, trimballer des fleurs de Rungis à 4h du matin, négocier sec avec les fournisseurs, être la première à ouvrir la boutique à 7h30 et la dernière à la fermer. C’est un combat récurrent, que j’ai vécu très souvent dans mes activités et encore aujourd’hui, avec mon café fleurs. Quand les livreurs débarquent, il cherchent le patron : “ Ah vous êtes la gérante ? On s’attendait à un homme ”. C’est très cliché, mais c’est la vérité.
Quel a été ton troisième métier ?
Pendant 1 an, j’ai renoué avec mes premiers amours de journaliste : on m’a proposé d’être chroniqueuse chez Canal + , dans une émission culturelle pour les jeunes. J’étais très contente à l’idée de renouer avec mon passé de “ baby journaliste “ et de faire mes preuves. Et puis finalement, j’ai vite compris que j’étais là juste pour faire joli : tout ce que je voulais éviter. Je ne me sentais pas à ma place, donc j’ai arrêté en fin d’année.
Ensuite, j’ai vécu une période de petit trou noir.
Qu’est ce qui t’est arrivé ?
L’après télévision, le mannequinat en stand by … J’étais au pied du mur, sans activité professionnelle, sans projet, et touchée par le syndrome des “ gens qui rappellent pas “. Evidemment, grosse remise en cause : je n’arrivais pas à m’arrêter sur un projet de vie. Et puis à ce moment là, il y a eu le décès de ma grand mère, Mathilde, atteinte de la maladie Alzheimer. Elle et moi étions nées le même jour. Notre relation était assez étrange et très connectée. Pour faire mon deuil, j’ai eu besoin de faire quelque chose pour parler de cette maladie. Mais pas quelque chose de lourd, car c’est souvent un sujet tabou, que les gens ont du mal à aborder. Alors j’ai eu l’idée de créer quelque chose de frais et ludique : un carnet de coloriage dont les fonds seraient versés à l’association France Alzheimer. J’ai contacté plein d’artistes pour leur demander de faire un dessin au sujet du temps qui passe.
Et tu as reçu des réponses ?
Oui, je n’ai eu que des retours positifs ! Personne n’a refusé : il y a eu David Lynch, Charlotte Lebon, Castelbajac, Coeur de Pirate, Monsieur Chat, mais aussi des artistes pas connus et avec un talent très prometteur. Le carnet a été édité, et a très bien marché, les dons ont été reversés à l’association France Alzheimer et maladies apparentées, dont je suis devenue ambassadrice. Avoir fait ce carnet de A à Z, de l’impulsion de départ au résultat final, ça m’a énormément donné confiance en moi : c’est grâce à ça que j’ai ouvert le café -fleurs.
Quelle est la genèse de ce projet ?
L’associé de mon compagnon se séparait de sa boutique, et comme il savait qu’on avait plein de projets en tête, il nous l’a confiée. Mon compagnon m’a dit : si tu as une idée, fonce, présente là, et on verra si ça marche. Alors j’ai commencé à faire plein de recherches. Je savais que sur le principe de départ ça serait un coffee shop, mais je voulais lui apporter une touche particulière, un truc en plus. J’ai étudié ce qui se faisait à l’étranger. J’ai découvert le concept de café-fleurs et j’ai trouvé ça génial. Il y en a à Vancouver, Amsterdam, au Japon, en Australie, un peu partout sauf à Paris ! J’ai adoré ce concept. Ensuite je suis passée à la phase de création : j’ai fait des recherches sur Pinterest, associé des idées, des images, des mots, et petit à petit j’ai imaginé mon café idéal.
Est-ce que tu t’es entourée ?
Oui, j’ai pensé à un très bon ami à moi, Romain Chirat, qui est DA et qui avait déjà travaillé sur le concept store Empreintes dans le Marais. Il est très doué, il travaille aussi avec Ines De La Fressange. J’ai aussi travaillé avec une architecte, Eloïse Bosredon, qui a notamment fait la chocolaterie de Cyril Lignac. On a bossé ensemble sur l’identité du lieu, partant de deux couleurs très végétales : le vert et le rose.
Ensuite il a fallu trouver nos ouvriers, faire les travaux, résoudre les problèmes administratifs. On a eu beaucoup d’aléas ! Au final, le 15 octobre 2016, nous avons officiellement pu ouvrir la porte du Café Peonies !
Comment décrirais-tu ton nouveau métier ?
Je ne dis pas que je suis fleuriste, mais créatrice de bouquets, ce qui est un métier qui n’existe pas vraiment et pour lequel il n’y a pas de diplôme ! J’ai fait une micro-formation de fleuriste, une formation de barista chez Café Coutûme, et j’ai du goût pour les belles choses, En fait, j’ai un peu inventé mon métier sur mesure.
J’aime ce côté terrain, Rungis, puis arriver au café pour préparer mes premiers bouquets et m’occuper de la calibration du café avec la machine.
Quelle leçon de vie tires- tu de toutes ces expériences ?
Depuis que je suis arrivée à Paris, j’ai eu le syndrome de l’imposture dans tous les métiers que j’ai exercés. Je n’avais pas de formation pour ça : ils se sont présentés à moi parce que j’ai fait des rencontres, parce que j’étais au bon endroit au bon moment, mais je me demandais à chaque fois en quoi j’étais légitime de faire ça.
Et puis je me suis rendue compte qu’effectivement, malgré les doutes, c’est en faisant des choses qu’on finit par s’auto-convaincre qu’on est bon dans ce qu’on a choisi de faire. Et que le projet se réalise. Fake it until you do it !
Source : One minute project