Nous avons vu dans la première partie de cet article que se réinventer, ce n’est pas faire table rase, mais plutôt revenir aux plus petits éléments qui nous constituent pour les ré-assembler différemment.
Comment se réinventer ? Comment ré-assembler les éléments qui nous constituent ?
La boite à outils de la créativité nous propose pour ce travail de fragmentation combinatoire, plusieurs techniques créatives :
- l’analyse morphologique inventée à la fin de la seconde guerre mondiale par Fritz Zwicky, un astrophysicien américano-suisse,
- et la technique du concassage.
Ces techniques partent d’une analyse « rationnelle » de l’existant et permettent des sauts créatifs puissants, grâce à la suggestion de combinaisons nouvelles à explorer.
Formaliser la matrice morphologique de ce que l’on doit réinventer
Zwicky, ce brillant astrophysicien américano-suisse, grand découvreur de supernovae grâce à ce principe, propose en effet de formaliser la matrice morphologique de l’objet, le concept que l’on doit réinventer.
Concrètement, on cherche à décomposer les fonctions et les composants, et l’on fait l’inventaire des solutions possibles pour chaque fonction.
L’objet analysé sous forme de matrice peut être un objet physique (une anatomie, une organisation, un produit, …), un objet mental (concepts, idées, …).
La matrice morphologique est donc un tableau mettant en scène les différents éléments constitutifs de l’objet à réinventer, en prenant en compte les variations possibles de ces différents éléments.
Une fois cette matrice formalisée, on peut créer. Cela permet en effet de tester la combinaison de plusieurs éléments et ainsi de faire apparaître différents scénarios possibles.
Prenons l’exemple simple des clés USB qui peuplent notre quotidien. Une clé USB, c’est une taille de mémoire (1Go, 50Go…) + une matière (plastique, diamant, métal, bois…) + une forme (plate, ronde, carrée, rectangulaire…) + une éventuelle autre fonction ajoutée (stylo, bijou, lampe, jeu, démontable, réutilisable…). Ainsi en combinant chaque composant les uns avec les autres, les clés USB peuvent se revisiter à l’infini…
Si un responsable des ressources humaines ou un formateur souhaite réinventer une formation, la matrice morphologique sera par exemple constituée des modalités (papier, vidéos, jeux de rôle, e-learning) + un type de formateur (un expert, un néophyte, un comique, une star, les participants eux-mêmes …) + un moment de la journée (nuit, matin, journée, repas..) + une durée (5 minutes, 1 journée, un an …) + un style (démonstratif, conférence, expérientiel…) + un lieu (salle de classe, bureau, maison, lieu étonnant, lieu exotique…).
Application à une personne en transition professionnelle
De son côté, une personne en mutation professionnelle pourra créer sa propre matrice morphologique personnelle (compétences, secteurs d’activité possibles, centre d’intérêts et hobbies, lieux géographiques, valeurs, types d’entreprises, mode de rémunération, ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, ses relations … ).
Une des étapes de la méthode Avarap, association qui aide les cadres à retrouver un emploi ou à changer de carrière, est très inspirée de cette approche.
La matrice morphologique est un bon moyen de traiter les problèmes complexes et multidimensionnels, en répertoriant toutes les combinaisons possibles de solutions.
Elle permet également prévoir tous les scénarios possibles et ainsi l’apparition de nouvelles idées de solutions, par des combinaisons qui ne sont pas évidentes. Elle permet en théorie un balayage systématique du champ des possibles.
Il s’agit d’une « créativité systématique », très rationnelle
Et l’on est très proche de l’analyse combinatoire, cette branche «jeune» des mathématiques qui a pour objet l’étude de configurations, le calcul du nombre de configurations, la recherche d’une, de plusieurs ou de toutes les configurations vérifiant certaines conditions, l’étude de configurations données, et le souci de rechercher des configurations optimums.
La technique du « concassage ».
Elle a été proposée par le publicitaire Alex Osborn. Il s’agit d’altérer l’objet, les éléments, la situation pour faire place à des solutions nouvelles ou inattendues.. Concrètement, il s’agit de faire une analyse systématique d’un certain nombre de transformations que l’on pourrait faire subir à un produit, à un service, à un concept..
La liste des modifications possibles est souvent présentée sous l’acronyme américain SCAMPER qui est une liste sous forme mnémotechnique :
S: Substituer – C: Combiner – A: Adapter – M: Magnifier – Modifier – P: Produire – E: Éliminer – R: Réorganiser – Renverser.
« Scamper » veut dire gambader ou folâtrer, gambader en anglais.
Vous pourriez préférer le mot mémotechnique STRETCH et la notion d’étirement proposée par Isabelle Jacob, fondatrice du centre Iris de formation à La créativité et l’Innovation
S : Substituer – T : Transformer – R : Renverser, réarranger – E : Eliminer – T : Trafiquer – C : Copier, Combiner, H pour Homogénéiser, Hétérogénéiser.
Jean-Louis Lascoux, auteur de l’ouvrage « Pratique de la médiation » éditions ESF et fondateur de wikimediation.org, l’observatoire international de la médiation, propose quant à lui l’acronyme REINVENTER en parfaite adéquation avec le titre de notre article :
Réduire, Echanger, Inverser, Neutraliser, Vider, Exciter, Niveler, Trancher, Enlacer, Rajouter…
Alejandro Jodorowsky, créatif prolifique, scénariste de bandes dessinées, réalisateur, auteur de films ésotériques, surréalistes et provocateurs, auteur de « performances » Panique (groupe actionniste qu’il a créé avec Roland Topor et Fernando Arrabal), mime, romancier, essayiste, poète, se contente pour créer des quatre opérations de base ( +, -, x, : ). Que peut-on ajouter, supprimer, multiplier, diviser ?
Vous pourriez vous aussi créer votre propre acronyme mnémotechnique et sélectionner vos propres verbes d’action préférés.
La technique du concassage fonctionne plus facilement lorsque l’on utilise des phrases-clés comme : « Qu’arriverait-il si on augmentait le poids de l’objet… », » Qu’arriverait-il si on ajoutait des fonctions à l’objet… », « Qu’arriverait-il si on faisait ressembler l’objet à autre chose… »
Et cette technique du concassage sera d’autant plus facile à appliquer que l’on se livrera auparavant à une description précise de l’objet ou du concept à étudier. Il est préférable d’identifier les divers univers relatifs à l’objet à réinventer : son univers technique (matières et structures selon lesquelles il est organisé) , son univers fonctionnel ( l’usage qui en est fait par l’homme), son univers sociologique ( les circonstances générales dans lesquelles on en fait usage).
Début de l’article :
Se réinventer : Ce que cela veut dire concrètement
Cet article est un court extrait de ma contribution à l’ouvrage S’approprier les clés de la mutation : Comprendre, innover, agir autrement (2013)
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