Salvador Dali, insomniaque actif, travaillait la nuit au cours de réveils prolongés. Pour compenser son manque de sommeil, et repose ses bras, il utilisait ce qu’il appelait « Le somme avec une clé ».
Extrait du texte de Salvador Dali
Pour pratiquer le « sommeil avec une clé »…
Asseyez-vous dans un fauteuil osseux, de préférence de style espagnol, la tête renversée appuyée sur le cuir tendu du dossier.
Vos deux mains doivent pendre en dehors des bras du fauteuil auxquels les vôtres seront soudés dans un affaissement de totale relaxation.
Dans cette position, vous tiendrez une lourde clé que vous garderez suspendue, serrée délicatement entre les extrémités du pouce et de l’index de votre main gauche.
Sous la clé, vous aurez au préalable placé par terre une assiette à l’envers.
Ayant terminé ces préparatifs, vous n’aurez qu’à vous laisser envahir progressivement par le sommeil serein de l’après-midi, comme la goutte spirituelle d’anisette de votre âme montant dans le cube de sucre de votre corps.
Lorsque la clé tombera de vos doigts, le bruit de sa chute sur l’assiette retournée vous réveillera sûrement, et vous pouvez être sûr également que ce moment fugitif, où vous avez à peine perdu conscience, et pendant lequel vous ne pouvez pas être certain d’avoir vraiment dormi, est entièrement suffisant vu que vous n’avez pas besoin d’une seconde de plus pour que votre être physique et psychique tout entier soit reposé.
Je dois ma connaissance du sommeil avec une clé au fait qu’il fut pratiqué par les capucins de Tolède.
Mais, plus tard, revenant de Genève en automobile avec mon grand ami le peintre José Maria Sert, celui-ci m’expliqua, dans une conversation mémorable sur les différents types de sommeil selon les arts, que « le somme avec une clé » était traditionnellement pratiqué par les peintres aviso des dessins architectoniques, qui avaient besoin, pour exercer leur métier, d’une main exceptionnellement sûre et calme.
Salvador Dali
Illustration : Bettmann/CORBIS, 1942
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