Pourquoi certains n’ont pas UNE vocation

En avril dernier, Emilie Wapnick a abordé le sujet des multipotentiels dans une très belle conférence TEDx intitulée « Why some of us don’t have one true calling »

Tout récemment sa conférence a été mise à l’honneur sur la première page du site TEDx, lui donnant ainsi une visibilité mondiale ! En attendant une traduction officielle et les sous-titrages, voici une première traduction de son intervention.

Conférence d’Emilie Wapnick

Levez la main si on vous a déjà posé la question « Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand ? ». Maintenant à quel âge diriez-vous qu’on vous a posé cette question pour la première fois ? Montrez juste avec votre main. 3, 5, 3, 5, 5. Ok

Maintenant, levez la main si la question « Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand ? » vous a déjà causé de l’anxiété. Même juste un peu.

Je n’ai, personnellement, jamais pu répondre à la question « Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grande ? » Vous voyez, le problème n’est pas que je n’ai aucun centre d’intérêt, c’est que j’en ai trop.

Au lycée j’aimais l’anglais, les maths et l’art. Je créais des sites internet et je jouais de la guitare dans un groupe de punk appelé « Frustrated telephone operator » (opérateur téléphonique frustré). Vous avez peut être entendu parler de nous.

Cela a continué après le lycée et à un moment j’ai commencé à remarquer un schéma récurrent.

Je m’intéresse à quelque chose, je m’y plonge à cœur perdu, j’y vais à fond et je deviens assez douée pour ça, quel que soit le sujet.

Puis arrive un moment où je commence à m’ennuyer. Et généralement je me force à continuer quand même parce que j’ai investi tellement de temps et d’énergie, et parfois même de l’argent dans ce domaine. Mais au final, ce sentiment d’ennui, ce truc qui me fait dire « ouais, j’ai compris, ce n’est plus un challenge pour moi» deviennent trop forts et je finis par abandonner.

Et alors je m’intéresse à autre chose, qui n’a absolument rien à voir et je me plonge dedans, j’y vais à fond et je me dis « Oui, j’ai trouvé ma vocation ». Mais encore une fois arrive ce moment où je commence à m’ennuyer et finalement laisser tomber. Et alors je découvre autre chose de nouveau et de complètement différent et je me plonge dedans…

Ce schéma m’a causé beaucoup d’anxiété. Pour deux raisons.

La première c’est que je ne savais pas comment j’allais pouvoir transformer cela en une carrière. Je pensais que j’allais devoir choisir une seule chose, nier mes autres passions et me résigner à m’ennuyer.

L’autre raison est un peu plus personnelle. Je pensais que j’avais un problème, que j’étais incapable de persévérer. Est ce que j’avais peur de m’engager ? De m’éparpiller ? Ou est ce que je m’auto-sabotais parce que j’avais peur de réussir ?

Si mon histoire et ces ressentis vous parlent, je veux que vous vous posiez une question que j’aurais dû me poser à l’époque.

Demandez-vous où est ce que vous avez appris associer que c’était mal ou anormal de faire plein de choses.

Je vais vous dire où vous l’avez appris. Vous l’avez appris de la culture.

On nous pose pour la première fois la question « Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand ? » vers l’âge de 5 ans. Et la vérité c’est que personne n’en a rien à faire de ce que vous répondez à cet âge là.

On pense que c’est une question innocente qu’on pose aux enfants pour obtenir des réponses attendrissantes comme « Je veux être astronaute, je veux être danseuse, je veux être pirate. [insérer un costume d’Halloween ici].

Mais cette question est posée encore et encore au fur et à mesure que l’on grandit sous différentes formes. Pour un lycéen par exemple, ce sera « Qu’est ce que tu vas faire après le bac ».

Et à un certain moment, « Qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand ? » passe d’une question innocente à ce qui nous tient éveillé la nuit. Pourquoi ?

En fait cette question amène les enfants à rêver à ce qu’ils peuvent devenir, cela ne les amène pas à rêver de tout ce qu’ils pourraient être. En fait, cela a l’effet exactement opposé.

Parce que quand quelqu’un vous demande ce que vous voulez faire, vous ne pouvez pas répondre 20 choses différentes. L’adulte lambda va probablement sourire et dire quelque chose comme « Comme c’est mignon, mais tu ne peux pas être luthier et psychologue, tu dois choisir. »

Voici le Dr Bob Childs. Et il est luthier et psychothérapeuthe.

Voici Amy Hung, rédactrice de magazine devenue illustratrice, entrepreneur, professeur et directrice créative.

Mais la plupart des enfants n’entendent pas parler de personnes comme eux. Tout ce qu’ils entendent, c’est qu’ils doivent choisir.

Mais c’est plus important que cela. La notion d’une vie focalisée sur une seule chose est très idéalisée dans notre culture.

C’est le destin ou notre vraie vocation, l’idée que chacun d’entre nous a une chose qu’il est supposé faire pendant son temps sur terre, une chose pour laquelle il est né et que nous devons trouver ce que c’est et y consacrer notre vie.

Mais que se passe-t-il si vous n’êtes pas câblé comme ça ?

Et s’il y a plein de sujets différents qui attisent votre curiosité et plein de choses différentes que vous voulez faire ?

Et bien, il n’y a pas de place pour quelqu’un comme vous dans ce cadre. Et vous pouvez ainsi vous sentir seul, avoir le sentiment de ne pas avoir de raison d’être, vous pouvez avoir l’impression que vous avez un problème.

Vous n’avez pas de problème. Vous êtes simplement un multipotentiel !

[applaudissements]

Un multipotentiel (« multipotentialite ») est une personne qui a beaucoup d’intérêts et de projets créatifs. C’est difficile à prononcer. Cela peut aider si vous le divisez en 3 parties. Multi – potential – ite.

Vous pouvez aussi utiliser un des autres termes qui traduisent la même idée, comme Polymathe, ou Esprit Renaissance. En fait à l’époque de la Renaissance, c’était l’idéal d’être doué et intéressé par plusieurs disciplines.

Barbara Sher parle de nous en utilisant le terme de scanners. Vous pouvez utiliser n’importe lequel de ces termes, ou en inventer un. Personnellement je trouve ça normal, qu’en tant que communauté nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur une seule identité.

Il est facile de voir votre multipotentialité comme une limite, une faiblesse qu’il vous faut dépasser.

Mais ce que j’ai appris en parlant avec les gens et en écrivant à ce sujet sur mon site Puttylike, c’est qu’il y a d’énormes avantages à être comme cela.

Voici donc 3 superpouvoirs des multipotentiels :

1 – Synthèse des idées

C’est le fait de combiner deux ou davantage de domaines et de créer quelque chose de nouveau à l’intersection.

Sha Hwang et Rachel Binx se sont appuyés sur leur intérêt commun pour la cartographie, visualisation des données, le voyage, les mathématiques et le design pour fonder Mesh u. Meshu est une entreprise qui crée des bijoux sur mesure inspirés par la géographie. Sha et Rachel ont eu cette idée unique non pas malgré, mais parce qu’ils ont des expériences et des compétences éclectiques.

L’innovation arrive à l’intersection, c’est là que les nouvelles idées sont créées. Et les multipotentiels, avec leur parcours sont capables d’accéder à ces points d’intersection.

2 – Rapidité d’apprentissage

Quand nous, les multipotentiels, nous nous intéressons à quelque chose, nous y allons à fond. Nous observons tout ce que nous pouvons. Nous avons aussi l’habitude d’être débutants, parce que nous l’avons tellement été de fois par le passé.

Et cela veut dire que nous avons moins peur d’essayer de nouvelles choses et de sortir de notre zone de confort.

Par ailleurs, beaucoup de compétences sont transférables d’une discipline à une autre et nous amenons tout ce que nous avons appris dans chaque nouveau domaine que nous explorons, donc nous recommençons rarement à zéro.

Nora Dunn est voyageuse professionnelle et auteur freelance. Pianiste concertiste lorsqu’elle était enfant, elle a développé une mémoire musculaire incroyable. Aujourd’hui elle est la dactylo la plus rapide qu’elle connaisse.

Avant de devenir auteur, Nora était conseiller financier. Elle a du apprendre les subtilités de la vente lorsqu’elle a créé son business. Cette compétence l’aide aujourd’hui à rédiger des pitchs captivants pour les éditeurs.

C’est rarement une perte de temps de s’intéresser à quelque chose qui vous intéresse, même si vous finissez par abandonner. Vous pourrez appliquer ces connaissances dans un champ totalement différent de manières que vous n’auriez pas pu anticiper.

3 – Adaptabilité

C’est la capacité à devenir ce que vous avez besoin d’être selon la situation.

Abe Cajudo est parfois réalisateur, parfois web designer, parfois consultant Kisckstarter, parfois prof, et parfois apparemment James Bond. ( photo d’Abe parodiant James Bond).

Il est apprécié parce qu’il fait du bon boulot. Mais surtout parce qu’il peut assumer plusieurs rôles selon les besoins de ses clients.

Le magazine Fast Company a identifié l’adaptabilité comme la compétence la plus importante à développer pour réussir au 21ème siècle.

Le monde économique change tellement rapidement et de manière tellement imprévisible que les individus et les organisations qui peuvent se transformer pour répondre aux besoins du marché vont réellement prospérer.

Synthèse des idées, rapidité d’apprentissage et adaptabilité.

3 compétences pour lesquels les multipotentiels sont particulièrement habiles.

Et 3 compétences qu’ils peuvent perdre si on les force à se limiter…

En tant que société, on a grand intérêt à encourager les multipotentialites à rester eux mêmes.

Nous avons beaucoup de problèmes complexes et multidimensionnels dans le monde d’aujourd’hui et nous avons besoin de personnes créatives, qui pensent différemment pour les affronter.

Maintenant, imaginons que vous soyez profondément un spécialiste. Vous êtes sorti du ventre de votre mère en sachant que vous vouliez devenir un neurochirurgien pédiatrique. Ne vous inquiétez pas, vous n’avez pas de problème vous non plus !

En fait, certaines des meilleures équipes sont composées d’un spécialiste et d’un multipotentiel.

Le spécialiste peut approfondir le sujet, et mettre en oeuvre les idées pendant que le multipotentiel amène l’étendue de ses connaissance au projet. C’est un beau partenariat.

Mais nous devrions tous définir nos vies et nos carrières en alignement avec notre câblage interne.

Et malheureusement, les multipotentiels sont largement encouragés à être davantage comme leurs amis spécialistes.

Cela étant dit, s’il y a une seule chose que vous reteniez de cette conférence, j’espère que ce sera cela.

Acceptez votre câblage, quel qu’il soit.

Si vous êtes un spécialiste, spécialisez vous, c’est ainsi que vous accomplirez le meilleur.

Mais pour les multipotentiels dans la salle, y compris ceux d’entre vous qui ont réalisé qu’ils en étaient un au cours des 12 dernière minutes, à vous je dis :

Poursuivez vos multiples passions,
Suivez votre curiosité qui vous entraîne sur des territoires inconnus,
Explorez vos intersections.

Accepter son câblage intérieur permet de vivre une vie plus heureuse et authentique.

Et peut être le plus important, Multipotentiels, le monde a besoin de nous !

Merci.

Vidéo TEDx d’Emilie Wapnick (en anglais)

Auteur : Emilie Wapnick

Traduction : Brigitte Roujol pour Horizoom

Emilie Wapnick a été musicienne, compositrice, web designer, cinéaste, écrivain, étudiante en droit et entrepreneur.

« Voilà comment j’ai toujours vécu,» écrit-elle, « me déplaçant d’intérêt en intérêt, construisant sur mes compétences dans différents domaines, et en synthétisant les connaissances que j’acquiers le long du chemin. »

Coach de carrière et coach de vie, Emilie aide désormais d’autres personnes aux intérêts variés à comprendre et apprécier ce qu’ils sont, dans une société qui nous demande de choisir une voie et d’y rester.

Son travail avec les multipotentiels a abouti à l’écriture de son livre Renaissance Business et à la création du site Puttylike.

Illustrations issues de la présentation d’Emilie Wapnick

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